Echouement du TK Bremen - Pollution - Dénouement pénal.
28/11/2019
Le TK Bremen était un vraquier de 109 m, naviguant sous pavillon de Malte, qui s’est échoué la nuit du 15 au 16 décembre 2011 vers 2h du matin sur la plage de Kerminihy d’Erdeven (Morbihan), alors qu’il avait quitté la veille à 11h le port de Lorient après y avoir déchargé une cargaison de tournesol et devait se diriger sur ballast vers Ipswich (Royaume-Uni). Il avait 190 tonnes de fuel et 40 tonnes de gasoil dans les soutes et, après que la coque se soit fissurée en divers endroits, une pollution aux hydrocarbures a été constatée à proximité du lieu de l’échouement, sur les plages, en mer et dans la rivière d’Etel (la quantité d’hydrocarbures dispersés a été estimée à 112 tonnes). Le navire est démantelé sur place en janvier 2012. Le 13 décembre 2018, le tribunal correctionnel de Brest a relaxé le capitaine, qui, un peu étrangement, était le seul à avoir été renvoyé devant le Tribunal. Cette solitude étonne Michel MORIN, docteur en droit et consultant, chercheur associé au Centre de Droit Maritime et Océanique de l’université de Nantes, « L’étrange affaire judiciaire du TK Bremen » (Neptunus e.revue, Université de Nantes, vol. 25, 2019/ 3, www.cdmo.univ-nantes.fr).
Le rapport d’enquête technique établi par le Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEA Mer) a été publiéen avril 2012 (96 pages) ; le jugement du tribunal de Brest détaille les faits en 64 pages. Le capitaine était poursuivi pour violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ou le règlement, ou par une faute caractérisée qui exposait l’environnement à un risque d’une particulière gravité, qu’il ne pouvait ignorer, provoqué un accident de mer consistant dans l’échouement de son navire ayant entraîné une pollution par hydrocarbures, faits prévus par l’article L. 218-19, § II, 3°, du code de l’environnement. Sa sortie du port de Lorient dans de mauvaises conditions météorologiques, alors qu’il avait déchargé sa cargaison de tournesol, était envisagée comme une faute déterminante. Le tribunal a constaté des difficultés de communication de l'agent consignataire avec le capitaine. Le système INMARSAT, permettant au navire d’avoir connaissance des bulletins météo ne fonctionnait pas, le 15 décembre au matin avant son départ de Lorient. Pour le tribunal, les décisions d’appareiller le 15 décembre au matin, puis d’aller mouiller sous l’île de Groix, ne sont pas fautives, comme le fait de ne mouiller qu’une seule ancre.
Le TK Bremen battait pavillon de Malte ; il était géré par une société turque. Selon le témoignage du pilote, qui a assisté le navire pour la sortie du port de Lorient, le capitaine a interrogé son gestionnaire sur le coût d’une présence prolongée au port, et il a pris la mer ; il a débarqué le pilote avant l’opération de mouillage sous Groix, afin de ne pas augmenter ses frais ; l’armement a refusé tout remorquage, jusqu’à 00h32. Le jugement fait état des interrogations du premier rapport d’expertise judiciaire sur la réelle marge de manœuvre du capitaine par rapport à l’armement et sur la réalité de la mise en œuvre du code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention de la pollution, code ISM (International Safety Management), chapitre IX de la convention SOLAS. L’instruction s’est centrée sur le capitaine, justement relaxé et a négligé la gestion réelle du navire.