Quand des marins n’ont pas confiance dans leur société de manning.

03/02/2022

La cour d’appel de Versailles, le 27 janvier 2022, a infirmé le jugement de première instance du tribunal judiciaire de Nanterre du 11 février 2020, concernant la responsabilité d'Orange Marine vis-à-vis de sa société de manning malgache.

Le tribunal judiciaire de Nanterre le 11 février 2010 avait retenu la responsabilité d’Orange Marine, en raison du comportement de sa société de manning malgache, gérant les marins malgaches embarqués sur ses câbliers immatriculés au registre International français (RIF).

Tribunal Judiciaire de Nanterre, Contentieux social, 11 février 2020, n° 16-10634, Fédération Nationale des Syndicats de Marins CGT, M. R. et autres c/ SAS FT MARINE  

L’armateur devait s'assurer que les retenues sur les salaires, effectuées par l’entreprise de travail maritime, étaient légales et conformes aux dispositions de la loi malgache, alors qu’il était informé des irrégularités. L’entreprise de travail maritime a converti une part de la rémunération prévue en euros, sans y être habilitée.  Les marins justifient d'un préjudice financier distinct de celui inhérent au non versement de l'intégralité de leur rémunération, susceptible d'être sollicité directement auprès de leur employeur, qu'il convient de fixer à la somme demandée de 500 euros pour chacun d'eux.

Aucun fait de discrimination syndicale n’est imputable à l’armateur.


La Convention du travail maritime de l’OIT n’a été adoptée qu’en 2006 et n’est entrée en vigueur qu’en août 2013. Compte tenu des faits intervenus entre 2004 et 2011, il convenait donc de se référer à un texte antérieur, et en plus un texte général, non spécifiquement maritime, la convention n° 95 de l'OIT de 1949 sur la protection du salaire, ratifiée par la France en 1952.

 

La cour d’appel de Versailles, 6ème chambre, le 27 janvier 2022 a infirmé ce jugement de première instance:

L’armateur justifie de son côté avoir interrogé sa société de manning, laquelle a confirmé que la retenue dénoncée correspondait au paiement de l'impôt sur le revenu. Au-delà, les marins ne démontrent pas que l’armateur ne s'assurait pas que la rémunération prévue par les contrats était conforme à la réglementation internationale et aux minima ITF.

Il est constant que les salaires devaient être versés en totalité à Madagascar et que les marins étaient soumis à la législation malgache qui impose une retenue à la source de l'impôt sur le revenu. Or, les marins ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que des retenues ont été opérées sur d'autres fondements que les cotisations sociales et l'impôt, ainsi que cela résulte des bulletins de salaire produits aux débats.

La discrimination syndicale à l’égard du représentant des marins malgaches n’est pas établie de la part de l’armateur, même si une procédure est en cours à Madagascar.

 

Saisi par deux marins, le tribunal de travail d'Antanarivo a rendu une décision le 20 octobre 2017, condamnant la société de manning, pour avoir elle-même fixé les taux de change sur les salaires payés en euros, dans un sens défavorable aux marins, jugement dont elle a fait appel.   

Ainsi quand les marins n'ont plus confiance dans les pratiques de leur société de manning, l'affaire peut aller au contentieux.

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