Dumping social- Proposition de loi adoptée le 28 mars 2023 par l'Assemblée Nationale
30/03/2023
Le 28 mars 2023, la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche, amendée, a été adoptée par l’Assemblée Nationale ), avec des amendements alourdissant les sanctions financières et enrichissant le dispositif relatif aux conditions sociales de l'Etat d'accueil.
Le 22 mars 2023, la proposition de loi, déposée par le député Didier Le Gac, a été examinée et approuvée en commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale. Elle a été amendée et enrichie, afin que « le temps de travail des marins soit basé sur une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée de l’embarquement », ce qui va au-delà des salaires minimas qu’imposait le texte initial. C’est sur cette question particulière des temps de repos que la lutte contre le dumping social peut s’avérer la plus efficace. Si aucun armateur employant des marins français n’a le même taux de rotation entre le temps à bord et le temps de congé, tous ont choisi la parité, quand P&O ferries ou Irish ferries imposent des durées d’embarquement de plusieurs mois (13 semaines) et ne prennent pas en considération les repos à terre. Un décret en Conseil d’État déterminera « la durée maximale de l’embarquement en prenant en compte l’intensité des dessertes maritimes effectuées ».
Le 27 mars 2023, cette proposition de loi a été discutée par l’Assemblée Nationale. Le ministre Hervé Berville et le rapporteur du texte Didier Le Gac ont voulu garder un texte de loi limité car « l’enjeu est l’efficacité, l’effectivité et l’opérationnalité la plus rapide possible de la loi » qui ne doit pas être invalidée en droit interne ou en droit européen. C’est pourquoi les amendements (interdiction d’accoster, définition en jours du temps de travail, paiement des jours de congé à terre...) présentés par de nombreux députés n’ont pas eu de majorité. Le rapporteur et le ministre ont renvoyé le champ d’application de la loi (liaisons, rythmes de travail...) à un décret en Conseil d’État qui sera pris après le vote du texte par le Sénat, à l’issue de discussions avec les partenaires sociaux et examen au Conseil supérieur de la marine marchande. Le secrétaire d’État chargé de la mer a annoncé que le transmanche serait exclu du registre international français (RIF) par décret.
Le 28 mars 2023, la proposition de loi amendée a été adoptée par l’Assemblée Nationale à l’unanimité des présents (157 pour, 7 abstentions, sur 577 députés), avec des amendements alourdissant les sanctions financières et les alignant avec le dispositif dit de l’État d’accueil (décret n° 2014-881 du 1er août 2014, art. R. 5566-1 à R. 5566-7 C. Transports). En cas de récidive, une interdiction d’escale est prévue, sanction administrative sous la responsabilité de la direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Un rapport sera rendu six mois après la mise en application de la loi pour s’assurer que le contrôle est bien assuré et que les services de l’État en ont les moyens suffisants. La proposition de loi est transmise au Sénat, pour une discussion au début de l’été. Elle pourrait s’appliquer au 1er janvier 2024, après qu’un décret en Conseil d’État définisse son champ d’application.
Un titre IX est créé au sein livre V de la 5ème partie du code des transports, intitulé « Conditions sociales applicables à certaines dessertes internationales ». L’article L. 5591-1 concerne le champ d’application des dispositions : les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières internationales touchant un port français. Un décret en Conseil d’Etat détermine les lignes concernées, selon des critères d’exploitation, notamment la fréquence de touchée d’un port français. Ces dispositions s’appliquent aux contrats de travail des salariés, quelle que soit la loi applicable à ces contrats (art. L 5591-2). Pour les périodes d’exploitation des navires sur les lignes régulières internationales touchant un port français, le salaire minimum horaire sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France ; il en est de même pour les salariés mis à disposition par des sociétés de manning, services privés de recrutement et de placement de gens de mer (art. L. 5592-1). Dans l’intérêt de la sécurité de la navigation et de la lutte contre les pollutions marines, l’organisation du travail applicable à ces salariés est fondée sur une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée de leur embarquement. Un décret en Conseil d’État détermine la durée maximale de l’embarquement, en prenant en compte les critères d’exploitation des lignes concernées (art. L. 5592-2). La liste des documents, tenus à la disposition des membres de l’équipage et affichés dans les locaux réservés à l’équipage, les langues dans lesquelles ces documents doivent être disponibles, sont fixées par décret (art. L. 5593-1). La liste des documents, tenus à la disposition des agents de contrôle, et dont ils peuvent prendre copie, quel que soit le support, est aussi fixée par décret (art. L. 5593-2).
Sanctions pénales : Lorsque le navire est dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, est puni d’une amende de 7 500 euros le fait pour l’employeur de verser un salaire minimum horaire inférieur à celui résultant de l’article L. 5592-1. La même peine est applicable à l’armateur du navire à bord duquel est employé le salarié. La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés. À la troisième infraction constatée, une interdiction d’accoster dans un port français est prononcée à l’encontre des navires appartenant à la compagnie maritime en infraction. Un décret en Conseil d’État précise la durée de l’interdiction (art. L. 5594-1).
Lorsque le navire est dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, est puni d’une amende de 7 500 euros le fait pour l’employeur de ne pas respecter les obligations en matière de durée de repos à terre résultant de l’article L. 5592-2. La même peine est applicable à l’armateur du navire à bord duquel est employé le salarié. La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés (art. L. 5594-2).
Les infractions sont constatées par : « 1° Les officiers et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer ; 2° Les personnes mentionnées aux 2°, 3°, 8° et 10° de l’article L. 5222-1 (administrateurs des affaires maritimes ; officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes ; le délégué à la mer et au littoral (DML) ; les agents publics commissionnés à cet effet par décision du directeur interrégional de la mer et assermentés) (art. L. 5595-1). Ces personnes sont habilitées à demander à l’employeur, à l’armateur ou à la personne faisant fonction, ainsi qu’à toute personne employée à quelque titre que ce soit à bord d’un navire de justifier de son identité, de son adresse et, le cas échéant, de sa qualité de salarié à bord du navire (art. L. 5595-2).
Sanctions administratives
Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) peut, sur le rapport des agents de contrôle de l’inspection du travail, des officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes, sous réserve de l’absence de poursuites pénales, prononcer à l’encontre de l’armateur une amende en cas de manquement : 1° Au versement du salaire minimum horaire prévu à l’article L. 5592-1 ; 2° À l’organisation du travail prévue à l’article L. 5592-2 (art. L. 5596-1).
Lorsqu’une amende est prononcée, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRRECTE) informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents mentionnés (art. L.5596-2).
Le montant maximal de l’amende est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de salariés concernés. Le plafond de l’amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature. Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter de la notification d’un avertissement concernant un précédent manquement de même nature (art. L. 5596-3).
Pour fixer le montant de l’amende prévue à l’article L. 5596-1, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que les ressources et les charges de celui-ci (art. L 5596-4).
Avant toute décision, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) informe par écrit l’armateur de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois. À l’expiration de ce délai, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) peut, par décision motivée, prononcer l’amende prévue à l’article L. 5596-1 et émettre le titre de perception correspondant (art. L. 5596-5).
La décision d’infliger une amende administrative ne peut être prise plus de deux ans après le jour où le manquement a été commis (art. L. 5596-6).
La décision d’infliger une amende administrative ne peut pas faire l’objet d’un recours hiérarchique (art. L. 5596-7).
L’amende prononcée en application de l’article L.5596-1 est recouvrée selon les modalités prévues pour les créances de l’État, étrangères à l’impôt et au domaine (art L. 5596-8).
Depuis le 1er avril 2021, les DIRECCTE sont regroupées avec les services déconcentrés de la cohésion sociale au sein d'une nouvelle structure : les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS). Les DREETS sont organisées en trois ou quatre pôles par grand domaine d’expertise. Elles comprennent : un pôle « politique du travail » ; un pôle « concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie » ; et un ou deux pôle(s) chargé(s) des missions économie, entreprises, emploi, compétences, solidarités et lutte contre les exclusions. Décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020
Le chapitre VI du titre VI du livre V de la cinquième partie du code des transports, relatif aux conditions sociales de l’Etat d’accueil, qui concerne les navires 1°) ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage continental et de croisière d'une jauge brute de moins de 650 ; 2° Ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage avec les îles, à l'exception des navires de transport de marchandises d'une jauge brute supérieure à 650 lorsque le voyage concerné suit ou précède un voyage à destination d'un autre Etat ou à partir d'un autre Etat ; 3° Utilisés pour fournir une prestation de service réalisée à titre principal dans les eaux territoriales ou intérieures françaises ; 4° Utilisés pour toute activité de prestation de service exercée sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive en vue de la construction, de l'installation, de la maintenance et de l'exploitation d'installations relatives à la production d'énergie renouvelable en mer, est complété par des articles L. 5566-3 et L. 5566-4, concernant les sanctions pénales : Est puni de 7 500 euros d’amende le fait pour l’armateur ou l’employeur de payer : 1° Des salaires inférieurs au salaire minimum de croissance prévu aux articles L. 3231-1 à L. 3231-12 du code du travail ; 2° Des rémunérations inférieures à la rémunération mensuelle minimale prévue à l’article L. 3232-1 du même code ; 3° Des salaires inférieurs à ceux fixés par la convention collective ou l’accord collectif étendu applicables aux navires battant pavillon français et exerçant dans la même activité.
La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés (art. L. 5566-3).
Est puni de 7 500 euros d’amende le fait pour l’armateur ou l’employeur de méconnaître les stipulations conventionnelles relatives aux accessoires du salaire prévus par la convention collective ou l’accord collectif de travail étendu applicables aux navires battant pavillon français et exerçant dans la même activité.
La récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Les infractions donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés concernés (art. L. 5566-4).
Il est aussi complété par des dispositions relatives à des sanctions administratives :
Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) peut, sur le rapport des agents de contrôle de l’inspection du travail, des officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes, sous réserve de l’absence de poursuites pénales, prononcer à l’encontre de l’armateur une amende en cas de manquement :
1° Aux règles relatives aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France pour les matières mentionnées à l’article L. 5562-1, à l’exception du salaire minimum, et sur le contrat d’engagement mentionné à l’article L. 5562-3 ;
2° Aux règles relatives à la protection sociale et à la déclaration des accidents survenus à bord mentionnées aux articles L. 5563-1 et L. 5563-2 ;
3° Aux règles relatives aux personnels désignés pour aider les passagers en situation d’urgence mentionnées à l’article L. 5564-1 ;
4° Aux règles relatives aux documents obligatoires mentionnés aux articles L. 5565-1 et L. 5565-2 (art. L. 5568-1).
Lorsqu’une amende est prononcée en application de l’article L. 5568-1, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) informe par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents mentionnés (art. L. 5568-2).
Le montant maximal de l’amende prononcée en application de l’article L. 5568-1 est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de manquements constatés au titre du 4° du même article L. 5568-1 ou qu’il y a de travailleurs concernés au titre des 1° à 3° dudit article L. 5568-1.
Le plafond de l’amende est porté au double en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de l’amende concernant un précédent manquement de même nature.
Il est majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d’un an à compter de la notification d’un avertissement concernant un précédent manquement de même nature (art. L. 5568-3).
Pour fixer le montant de l’amende prévue à l’article L. 5568-1, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges (art. L. 5568-4).
Avant toute décision, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) informe par écrit l’armateur de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l’invitant à présenter ses observations dans un délai d’un mois.
À l’expiration de ce délai, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) peut, par décision motivée, prononcer l’amende prévue à l’article L. 5568-1 et émettre le titre de perception correspondant (art. L. 5568-5).
La décision d’infliger une amende administrative ne peut être prise plus de deux ans après le jour où le manquement a été commis (art. L 5568-6).
La décision d’infliger une amende administrative ne peut pas faire l’objet d’un recours hiérarchique (art. L. 5568-7.
L’amende prononcée en application de l’article L. 5568-1 est recouvrée selon les modalités prévues pour les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine (art. L. 5568-8).
Article 3 - Dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’état des pratiques relatives au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l’Union européenne.
Article 4 - Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport recensant les besoins humains et financiers des services chargés de l’inspection du travail maritime pour assurer leurs missions, notamment la lutte contre le phénomène de dumping social. Le rapport précise également les pistes d’amélioration de la formation des agents de ces services en matière de droit du travail maritime.