Piraterie et violences en mer dans le golfe de Guinée : enlèvements de marins.

15/04/2025

Le 17 mars 2025, le bitumier Bitu River a été attaqué en haute mer. Dix marins, sept Indiens et trois Roumains, ont été enlevés. Le Bitu River est un bitumier de 146 mètres de long, par 26 mètres de large, affichant un port en lourd de 16.500 tonnes, battant pavillon de Panama. Construit en 2022, il est géré par le groupe français Rubis Énergie. Il avait été inauguré le 1er février 2023, au sein du port autonome de Lomé, au quai minéralier : navire à faible tirant d'eau, équipé de la dernière génération de propulsion diesel-électrique, il mesure 145 mètres de long et 26m de large ; il peut transporter plus de 16 000 tonnes de bitume liquide chauffé à 160°C dans 12 caissons indépendants.

Le navire Bitu River a été attaqué dans la soirée du 17 mars, environ à 38 milles au sud-est de Santo Antonio, chef-lieu de l’île de Principe (archipel équatorial de Sao Tomé-et-Principe), par une dizaine d’hommes armés à bord d’une embarcation rapide équipée de moteurs hors-bord. Il avait quitté Lomé, au Togo, et faisait route vers Douala, au Cameroun. La majorité de l’équipage s’était réfugié en citadelle, mais les pirates ont pillé le navire et sont parvenus à la forcer et à enlever une partie des marins, à commencer par les officiers.

Les familles des marins indiens notamment ont appelé à leur libération, dans la presse. ITF appelle les gouvernements à prendre « des mesures pour mettre fin à la piraterie », estimant qu’il serait « rassurant que les États d'Afrique de l'Ouest réaffirment leur engagement à lutter contre la piraterie par des patrouilles conjointes et des opérations navales coordonnées ». « Sans cette action concertée, nous craignons une recrudescence de la piraterie, et ce sont les marins innocents qui en paieront le prix ». 

Les dix marins du Bitu River ont été libérés le 13 avril 2025 et sont sains et saufs, 7 indiens et 3 roumains, selon le groupe Rubis, propriétaire du navire ; le 14 avril, ils étaient après une visite médicale, en cours de rapatriement. Maritec Tanker Management, filiale de Rubis Asphalt, dont le siège est à Bombay, qui supervise tous les bitumiers et pétroliers du groupe, a obtenu cette libération.


En 45 jours, trois attaques de piraterie sont intervenues dans une zone située entre la Guinée équatoriale, le Gabon et Sao Tomé-et-Principe. Le 31 janvier, trois pêcheurs de l’Amerger 7, dont le capitaine et le chef mécanicien, ont été enlevés à seulement 15 milles de Libreville, capitale du Gabon, près de la pointe de Ngombé. Ils ont été libérés 19 jours plus tard. Le lendemain de l'attaque de l'Amerger 7, le 1er février, des pirates ont attaqué le cargo JSP Vento en début de nuit au large de Bata, en Guinée équatoriale. Les assaillants ne sont pas parvenus à entrer en citadelle pour enlever l’équipage qui avait donné l’alerte. Ces incidents se produisent dans un contexte de tensions au Nigeria. Le président Tinubu a décrété, le 18 mars, l’état d’urgence dans l’Etat de Rivers, dans la zone du delta du Niger riche en ressources pétrolières et épicentre de la piraterie dans le golfe de Guinée. L’Etat de Rivers est en proie à des luttes de pouvoir entre le nouveau gouverneur et son prédécesseur, à la violence de gangs et de groupes de « militants » locaux, liés à des intérêts politiques, ainsi qu'au vol de pétrole et à des attaques contre des infrastructures.

Dans son rapport annuel, le MICA Center (Maritime International Cooperation and Awareness Center), basé à Brest, confirmait la tendance à la baisse des incidents de piraterie dans le golfe de Guinée (-16 % par rapport à 2023), avec cinq cas signalés et deux approches suspectes. Toutefois, l’activité des pirates fluctue en fonction de la pression exercée par les patrouilles, de l’attrait d’activités plus lucratives, tel le soutage illégal et le vol de pétrole, ou encore de considérations politiques.

Le 27 mars, un bateau de pêche chinois, Mengxin 1, a été abordé par sept individus armés qui ont tiré des coups de semonce, à environ 20 milles au sud-sud-est de la capitale du Ghana, Accra. Les assaillants sont restés à bord pendant trois heures, et trois membres d’équipage, de nationalité chinoise, ont été enlevés : le capitaine, le chef mécanicien et le second. La marine ghanéenne a ouvert une enquête, tandis que le bateau a gagné le port de Tema. Rares sont les attaques de piraterie se produisant à proximité du Ghana, situé au nord-ouest du golfe de Guinée. La dernière répertoriée remonte au 19 mai 2021, lorsqu’un autre bateau de pêche, l’Atlantic Princess, avait été pris pour cible et cinq pêcheurs enlevés. Selon le MICA Center, cette attaque est « une action qui ressemble à un règlement de compte à l’encontre de la pêche INN », la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. Et ce, « comme cela fut certainement le cas pour le pêcheur Fayali 2 (au large de Cotonou) », le 6 décembre 2024, dans une zone réputée sûre, comme les eaux du Ghana. Le MICA Center estime que la probabilité est très faible qu’il s’agisse du même groupe qui sévit à l’est du Nigeria, alors que plusieurs incidents se sont produits entre Sao Tomé, le Gabon et la Guinée équatoriale. Selon la cellule franco-britannique MDAT-GoG (Maritime Domain Awareness for Trade – Gulf of Guinea, réunissant le MICA Center et l’UKMTO de la Royal Navy), un bateau bleu et jaune avec cinq personnes à bord suspectées d’être armées a abordé le bateau de pêche. Quatre personnes sont montées à bord du le Mengxin 1. Elles ont tiré trois coups semonces en l’air en ordonnant à l’équipage de se coucher sur le pont. Quatre hommes étaient masqués, selon un témoignage. Un cinquième homme, non masqué, tenait deux fusils, vraisemblablement des armes automatiques AK47, tandis que deux autres avaient des pistolets. Les assaillants ont été entendus parlant le pidgin du Nigeria. Trois membres d’équipage de nationalité chinoise, dont le capitaine et le chef mécanicien, auraient alors été enlevés. La marine ghanéenne avait ouvert une enquête sur cette « attaque présumée de pirates », tandis que le bateau avait gagné le port de Tema. Mais, par la suite, la Chine a déclaré que tout l’équipage était sauf.


Publication du bilan annuel 2024 du MICA Center


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