Dumping social en Méditerranée : deux contrôles de l’inspection du travail concernant Corsica Ferries

21/04/2025

Un contrôle de l’inspection du travail, en octobre 2023, à Toulon, avait révélé des manquements concernant cinq marins. Un nouveau contrôle en octobre 2024 sur un ferry de Corsica ferries à Toulon démontre plusieurs dizaines de manquements au paiement des heures supplémentaires ou des salaires inférieurs au Smic.

Le premier contrôle du 15 novembre 2023 à bord du Mega Smeralda, géré par la société italienne Forship, l’une des sociétés du groupe Corsica ferries, dont la holding est Lota marittime, avait révélé des manquements sur 5 marins. Selon les informations communiquées par la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités - Provence-Alpes-Côte d'Azur (DREETS PACA) à la Confédération Française de l’Encadrement-Confédération Générale des Cadres (CFE-CGC Marine), qui compte se porter partie civile, le niveau d’écarts constatés vis-à-vis des minima applicables, comme la non-majoration dans le règlement des heures supplémentaires sur des navires où ces dernières ne sont pas compensées en repos compensateurs dans le repos congés global attribué aux marins par jour d’embarquement, provoquent des surcoût substantiels pour les armateurs en règles sur ces lignes. Les cinq marins n’ont pas perçu 10 000 euros sur deux mois de période de référence, soit une moyenne de 1 000 euros mensuel par salarié.

Le second contrôle de l’inspection du travail s’est déroulé le 19 octobre 2024 sur un autre ferry de type Mega Express de Corsica ferries, et révèle des manquements plus amples. 165 bulletins de salaire, concernant 91 marins, ont été analysés par les services de l’inspection du travail. Certains salariés n’ont pas perçu un salaire permettant le respect du Smic et des majorations dues au titre des heures supplémentaires effectuées. Des certificats A1 en cours de validité, émis par la sécurité sociale italienne, l’Istituto Nazionale della Previdenza Sociale (INPS), n’ont pas été présentés, alors que les ferries sont sous pavillon italien, immatriculés au registre international italien. Les gens de mer sont d’abord rattachés au régime de protection sociale de l’Etat du pavillon du navire sur lequel ils travaillent, ou au régime de leur lieu habituel de résidence. Le formulaire A1 est un document portable, un justificatif, qui atteste de la législation applicable à un travailleur qui n'est pas affilié dans le pays de travail, travailleur détaché ou mobile dans plusieurs Etats membres de l’UE, ou marin visé à l’article 11 § 4 du règlement (CE) n° 883/2004 relatif à la coordination communautaire des régimes nationaux de sécurité sociale. Le formulaire A1 a remplacé les formulaires E 101 et E 103.

Les constats du contrôle : 123 infractions au taux de majoration des heures supplémentaires pour 81 marins distincts, 56 fois en juillet 2024 et 67 fois en août 2024, et 98 infractions pour non-respect du Smic, 44 en juillet 2024, 54 en août 2024. Par ailleurs, la non-justification de l’affiliation à la sécurité sociale concerne les 91 marins.

Ces constats, effectués par des agents formés sur le contenu du décret concernant les dispositions de l’Etat d’accueil (C. transp., art. L 5561-1 et s., R 5561-1 et s., Arrêté 4 septembre 2014) montrent bien l’existence d’un dumping social en Méditerranée, puisque les navires sous pavillon français desservant la Corse semblent eux respecter la législation sociale française dans son intégralité.

 

v. B. MARTIN et P. CHAUMETTE, Droit social des Gens de Mer, coll. Logiques Juridiques, L’Harmattan, mai 2025, 301p., sp. pp. 46-58 sur les conditions sociales de l’Etat d’accueil.

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