Du temps de travail du capitaine et de sa responsabilité personnelle.

24/02/2011

Publication de Patrick Chaumette

Du temps de travail du capitaine et de sa responsabilité personnelle.

Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-40094, M. X c/ Association An Test – Navire Notre-Dame de Rumengol

Le 18 janvier 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant le temps de travail et la responsabilité civile personnelle du capitaine de navire. Cet arrêt est novateur sur le premier point et classique sur le second.

Notre-Dame de Rumengol est une gabare de 1945 classée monument historique, basée à Brest, ancien bateau de travail de 22m, destiné au transport de marchandises, pouvant accueillir 27 personnes en sortie à la journée, 11 personnes en croisière et 80 personnes pour les évènements à quai. Lors des fêtes de Douarnenez de juillet 2004, le capitaine n’utilise pas l’emplacement prévu, l’affrètement prévu est annulé. Courant septembre, l’association rompt le contrat d’engagement à durée déterminée, en invoquant une faute grave du capitaine. Celui-ci conteste cette rupture, l’existence d’une faute grave, et réclame le paiement d’heures supplémentaires. La cour d’appel de Rennes, en 2008, rejette ses demandes et le condamne à 500 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice causé à l’image de l’association.

Cet arrêt d’appel est cassé par la chambre sociale de la Cour de cassation sur les 3 points en litige :

1 - Il résulte de la convention n° 180 de l’OIT du 22 octobre 1996 sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs des navires, ratifiée le 27 avril 2004, en ses articles 3, 4 et 5, d’application directe en droit interne, que la durée du travail pour les gens de mer comme pour les autres travailleurs est en principe de huit heures par jour avec un jour de repos par semaine, plus le repos correspondant aux jours fériés. 


2 - La cour d’appel devait rechercher si les fautes retenues, commises le 20 juillet et le 7 septembre 2004 notamment, rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise jusqu’au terme du contrat prévu le 30 septembre 2004, alors que le navire avait cessé toute activité depuis le 13 septembre 2008. 


3- La responsabilité du salarié n’est engagée envers son employeur qu’en cas de faute lourde.

Sur la responsabilité civile du capitaine de navire voir dossier site web de l'AFCAN - Association française des capitaines de navires.

Observations : « Du temps de travail du capitaine et de sa responsabilité personnelle ».

Compte tenu des traditions historiques et des fonctions commerciales anciennes des capitaines de navire, l’article 104 du Code du Travail Maritime, datant de 1926, prévoyait que les dispositions des articles 24 à 30 du même code du travail maritime ne sont pas applicables au capitaine. Étaient ainsi exclues toutes les dispositions relatives à la durée du travail, les limites de la durée quotidienne et hebdomadaire de travail, les heures supplémentaires, les limites des journées annuelles en mer à la pêche, le repos hebdomadaire, les repos compensateur des heures supplémentaires, jusqu’à la possibilité d’astreinte à terre. Pourtant, les capitaines de navire sont des salariés, officiers de marine marchande. Ils ne sont pas assimilables aux cadres dirigeants tout au plus aux cadres autonomes, tels que définis par loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000. Cette loi a pris en compte la diversité et la spécificité des cadres, en créant trois catégories distinctes (P.H. ANTONMATTEI, « Les cadres et les 35 heures : la règle de trois », Dr. soc. 1999-996, « Les cadres et les 35 heures : de la règle de trois à la règle de quatre ! », Dr. soc. 2000-159). Ce dispositif juridique ancien conduisait a assimilé le capitaine de navire à un cadre dirigeant, mandataire social, ce qu’il n’est pas, aussi bien au commerce, qu’à la pêche ou à la plaisance (ancien art. L 212-15-1 C. Tr.). Ce capitaine de navire, responsable de la navigation et commandant du bord, ressemble beaucoup plus aux cadres autonomes, ouvrant éventuellement la porte à une convention de forfait annuel de 218 jours d’embarquement, dans le cadre d’une convention collective.

Depuis cette loi de 2000, l’article 104 CTM initial était incompatible avec les dispositions générales du code du travail, applicables aux entreprises d’armement maritime. Le législateur n’a pas pu l’ignorer. L’article 49, alinéa 3 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 a modifié cet article 104, devenu article L. 5544-33 du code des transports : le cadre de la durée du travail des capitaines de navire est fixé par le décret n° 2007-1843 du 26 décembre 2007. La période de transition fut longue, car la jurisprudence fut réticente à banaliser le capitaine de navire et le secteur maritime. C’est sur le fondement de la Convention n° 180 de l’OIT de 1996, ratifiée par la France en 2004, que la Cour de cassation assure l’encadrement du temps de travail du capitaine. Il faut en remercier Notre-Dame de Rumengol, gabare de 1945 classée monument historique, basée à Brest, ancien bateau de travail de 22m, destiné au transport de marchandises, pouvant accueillir 27 personnes en sortie à la journée, 11 personnes en croisière et 80 personnes pour les évènements à quai. La cour d’appel de Rennes avait également retenu la faute grave du capitaine, ainsi que sa responsabilité personnelle dans l’atteinte à l’image de l’association employeur. Sur tous ces points l’arrêt d’appel est cassé.

Vous pouvez vous télécharger cette publication dans les documents associés.

Documents associés :